Les dirigeants avec lesquels j’ai pu m’entretenir dans ces dernières semaines avaient tous repéré quelques adaptations à apporter au fonctionnement de leur organisation. Même s’ils n’avaient pas encore eu le temps de partager leur analyse avec leurs pairs. Ni vraiment de penser le futur.
C’est pourquoi mon propos est d’attirer votre attention sur l’évolution de l’entreprise sous cette nouvelle épée de Damoclès plutôt que sur la gestion de ses activités quotidiennes.
C’est à vous que cela revient en tant qu’équipe de direction. Même si vous aussi ressentez une résistance au retour. Si vous ne le faites pas, qui le fera ? Et si le quotidien vous a absorbés depuis deux mois, qu’est-ce que ça va être dans les prochaines semaines !
Si vous vous contentez de partager vos regards pour lancer les travaux, le risque sera très fort de vous retrouver à faire de la « coordination de chantiers ». C’est une activité certes importante mais pas du tout adaptée aux enjeux ni à vos responsabilités.
L’éventail des évolutions possibles est en fait bien large :
- mesures de productivité,
- outils et pratiques du télétravail,
- resserrement ou diversification de portefeuilles de clients ou de fournisseurs,
- solidification ou simplification de processus,
- actualisation du pacte social,
- activités de veille et d’exploration,
- symboles, valeurs, identités, réputations,
- déplacement de priorités stratégiques (ex : plutôt business et performance immédiate ou équilibre et résilience),
- etc.
Comment choisir en limitant les risques d’erreurs dans ce bain d’incertitude ?
Parlons méthode.
Vous pouvez mener un retour d’expérience pour repérer les qualités que votre entreprise vient de révéler ou ses caractéristiques qui lui ont nui. Mais sans y passer trop de temps : Les objectifs sont dans l’instant de retisser des liens humains distendus, puis de tirer des enseignements pour le futur.
Je vous suggère surtout de vous projeter, plus loin que demain. Il existe des techniques d’animation collective pour le faire facilement et efficacement : Le but est de dessiner la situation dans laquelle vous voudriez que soit votre entreprise dans quelques années pour intégrer les enjeux de long terme. C’est ainsi que vous déterminerez les effets que vous voudrez produire (l’Effet Final Recherché comme disent les militaires). Puis les objectifs opérationnels qui en découlent, en particulier ceux de fin 2020.
Ce sont en réalité les finalités que vous viserez ainsi qui vous amèneront ensuite à sélectionner les projets à entreprendre pour les atteindre. Vous pouvez aussi ajouter un exercice similaire mais en imaginant un crash total à la même échéance, puis les événements qui y auront conduit. Le résultat pourra vous aider à affiner la sélection des projets qui amélioreront la résilience de votre organisation.
Ces quelques projets bien ciblés vont constituer votre programme stratégique. Avant de précipiter leur mise en œuvre, continuez à penser loin et large. Par exemple, plutôt parties prenantes qu’acteurs.
Et pour le calendrier, pas de diagramme de Gantt, encore moins de planning PERT : dans cette complexité, ce serait un bon moyen de vous ensabler. Acceptez de seulement baliser le chemin. Et de faire ce travail en co-construction, pour créer l’adhésion et reconstituer un nous à partir de je éparpillés.
En parallèle, installez une gouvernance réfléchie, pas seulement un chef de projet et un Copil.
L’incertitude continuera d’être présente, mais vous serez plus apte à naviguer, à piloter. Voire capables de passer d’un scénario positif à un scénario négatif. A condition que vous vous reconcentriez régulièrement (et plus souvent qu’une fois par semestre) sur l’anticipation des risques pour prendre vos décisions. Ne vous contentez surtout pas d’un suivi basique de l’avancement, qui ne réussira qu’à vous engluer. Et ne fabriquez pas d’usine à gaz, qui elle vous empoisonnera.
Sur la durée, autour de vous, un danger guettera : la démobilisation. Alors, quelques évolutions dans le management ? A commencer par le vôtre ? Une canalisation ou une libération des interactions ? Un peu plus de reconnaissance, de confiance et d’autonomie ?
Pour conclure, trois points :
- Ce qui est est. Ce qui n’est pas est… possible.
- A chaque fois que vous pensez solution, retenez-vous. Pensez effets.
- Pour ce qui reste de 2020, allez-y progressivement.
Le mode projet peut ainsi, bien plus qu’une mode, revêtir un intérêt stratégique. Je suis à votre disposition pour adapter ces quelques idées à votre organisation.